• Récits du Vieux Royaume, tome 2 : Gagner la guerre - Jean-Philippe Jaworski

    Gagner la guerre - Jean-Philippe Jaworski

     

    « Gagner une guerre, c'est bien joli, mais quand il faut partager le butin entre les vainqueurs, et quand ces triomphateurs sont des nobles pourris d'orgueil et d'ambition, le coup de grâce infligé à l'ennemi n'est qu'un amuse-gueule. C'est la curée qui commence. On en vient à regretter les bonnes vieilles batailles rangées et les tueries codifiées selon l'art militaire. Désormais, pour rafler le pactole, c'est au sein de la famille qu'on sort les couteaux. Et il se trouve que les couteaux, justement, c'est plutôt mon rayon... »

    Un ami m'avait fortement conseillé de lire Jaworski, et après avoir commencé par Janua Vera, un recueil de nouvelles dans le même univers que le présent roman, j'ai voulu approfondir ma découverte du Vieux Royaume avec Gagner la guerre.

    L'histoire nous est racontée par don Benvenuto Gesufal, assassin de son état et attaché au Podestat civil de la République de Ciudalia, Leonide Ducatore. Il s'agit, après la victoire contre Ressine, de se partager les bénéfices de la victoire, mais aussi de récupérer de l'influence et du pouvoir pour ceux qui ont été les dindons de la farce ; l'intrigue est donc complexe, et s'il y a un fil conducteur, il n'y a pas vraiment d'histoire claire et nette. Le récit comporte un certain nombre de zones d'ombre, car nous ne savons que ce que Benvenuto sait, ou a appris, mais aussi ce qu'il veut bien nous dire. Car notre héros ne se gêne pas pour expliquer à son lecteur qu'il peut lui mentir, ou travestir la vérité pour se présenter sous un meilleur jour. C'est une manifestation comme une autre de la duplicité qui règne dans la vie politique de Ciudalia.

    Car le monde développé par Jaworski présente de nombreuses ressemblances avec l'histoire de l'Europe et de la Méditerranée plus particulièrement. Ciudalia semble ainsi être une jumelle de la Florence du XV° siècle, au moment où les Medicis s'apprêtent à prendre le pouvoir, mais son activité est plus proche de celle de Venise ou de Gênes, à laquelle est emprunte d'ailleurs sa géographie. À l'inverse, l'ennemi mortel de Ciudalia, Ressine, est un reflet de l'empire ottoman à son apogée. De même, on peut retrouver des correspondances entre certains personnages du roman et des personnages historiques, notamment Michel-Ange et Machiavel.

    En ce qui concerne les personnages, pris dans cette nasse de vipères qu'est la politique Ciudalienne, et même lorsqu'ils tirent certaines ficelles, ils sont loin d'être aimables. Ils sont tous motivés par leurs intérêts, sont prêts à tout ou presque pour gagner toujours plus. Benvenuto, à force de côtoyer ce monde et parce qu'il est au service du Podestat, réagit de la même façon et a développé des tendances paranoïaques assez marquées. C'est à tel point que ça finit par moment par l'handicaper, l'empêcher d'avoir les idées claires ; parfois, j'ai même compris les choses plus rapidement que lui, justement parce qu'il s'enferme dans ses idées paranoïaques.

    La plume de Jaworski, ou plutôt de Benvenuto, est un petit plaisir : riche, recherchée, précise, grossière au besoin. C'est une explosion, un ravissement quand on aime les textes bien écrits, de la poésie en prose. Et la qualité de l'écriture permet également de se plonger plus facilement dans l'histoire car elle se rapproche de la vision que l'on peut avoir des écrits du début de la Renaissance italienne.

    Au final, j'ai dévoré ce pavé (presque 1 000 pages) en trois jours, et j'étais déçue qu'il ne soit pas plus long. Maintenant, j'ai hâte de lire la nouvelle série de Jaworski, Rois du Monde.

    Gagner la guerre - Jean-Philippe Jaworski

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 26 Février 2015 à 15:26

    J'ai aussi dévoré ce livre malgré le nombre de pages :) !

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    2
    Jeudi 26 Février 2015 à 15:31

    Oui, avec une écriture pareille, je ne pourrais lire que des livres de cette taille sans aucun problème !

    3
    Jeudi 26 Février 2015 à 17:12

    Je peux dire que tu as définitivement fait tomber la barrière - je devrais dire plutôt la petite haie - qui me retenait encore pour franchir le pas ultime et m'attaquer à ce roman wink2  Merci !

    4
    Jeudi 26 Février 2015 à 17:27

    Tant mieux ^^ Et j'espère qu'il te plaira autant qu'il m'a plu !

    5
    Vendredi 6 Mars 2015 à 08:43
    Sylly

    J'ai vraiment hâte, et ta chronique m'impatiente encore plus, de plonger définitivement dans le monde de Jaworski :)

    6
    Lundi 9 Mars 2015 à 18:32

    Précipite-toi, tu ne seras pas déçue ^^

    7
    Mercredi 25 Mars 2015 à 20:53

    Ohhhh tu me donnes envie ^^ Je le note :) Faut-il avoir lu le premier tome avant ?

    8
    Jeudi 26 Mars 2015 à 00:10

    Dans Janua Vera il y a une nouvelle qui parle de Benvenuto et de sa rencontre avec Ducatore, mais elle n'est pas essentielle à la compréhension de ce roman ;)

    9
    Jeudi 26 Mars 2015 à 08:05

    Merci pour l'info :)

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