-
Des mille et une façons de quitter la Moldavie - Vladimir Lortchenkov
« Vassili réfléchit un peu, puis il décréta :
- Nous allons faire voler mon tracteur. »
Drôle, grotesque, cruel. Partez à la rencontre du peuple le plus pauvre d'Europe.
Ceci est l'histoire d'un petit village moldave. À Larga, tous les habitants ne rêvent que d'une chose : rejoindre l'Italie et connaître enfin la prospérité. Quitte à vendre tous leurs biens pour payer des passeurs malhonnêtes, ou à s'improviser équipe moldave de curling afin de rejoindre les compétitions internationales.
Dans cette quête fantastique, vous croiserez un pope quitté par sa femme pour un marchand d'art athée, un mécanicien génial transformant son tracteur en avion ou en sous-marin, un président de la République rêvant d'ouvrir une pizzeria. Face à mille obstacles, ces personnages résolument optimistes et un peu fous ne renonceront pas. Parviendront-ils à atteindre leur Eldorado ?J'ai découvert ce livre par hasard en médiathèque, et j'ai de suite été attirée par la couverture des éditions Mirobole. La lecture de la quatrième de couverture m'a définitivement convaincue de me pencher un peu plus sur cette histoire.
L'action du livre se déroule principalement dans le petit village rural de Larga, abandonné de tous à la suite de la chute du communisme, abandonné par l'État moldave, mais aussi par ses propres habitants, qui n'entretiennent rien et espèrent juste pouvoir fuir vers l'Italie qui est vue comme le Paradis sur terre. Mais quelques autres personnages apparaissent également, comme le président moldave, le président du parlement, ou un diplomate italien en poste au consulat en Moldavie. Ce n'est donc pas la mise en scène d'un unique village paumé, qui pourrait être une exception en Moldavie, mais la présentation en modèle réduit d'un pays sans perspectives, sans forces vives, à part celles d'émigrer et de trouver une vie meilleure, et plus facile, ailleurs.
Pourtant, ce qui pourrait être un livre triste, dur, désespéré, est en réalité plein d'humour et de tendresse, même dans les situations les plus affreuses (comme lorsque la femme de Vassili se pend ou qu'une fille qui a émigré en Italie revient au village et fait s'écrouler les illusions de ses parents). Tous les personnages ont une certaine naïveté dans leur rêve d'Italie, dans la facilité avec laquelle ils vont y parvenir, malgré les obstacles, dans l'accueil qu'ils vont y rencontrer, et dans l'espoir de rejoindre un véritable pays de cocagne. Cela les rend très touchants, très attachants. C'est un peu comme un conte, une fable, destinée à tous les habitants des pays de l'ancien bloc soviétique, ce qui est bien rappelé par un chapitre du livre. Mais, en même temps, on sent que l'auteur se moque gentiment des Moldaves et de leurs rêves de mieux, d'ailleurs, et de leur incapacité à se bouger le cul pour améliorer leur quotidien alors qu'ils peuvent déployer des trésors d'imagination pour fuir leur pays. Car c'est impressionnant de voir toutes les « solutions » envisagées par les habitants de Larga, ainsi que par le président, pour émigrer vers l'Italie.
S'il est une chose qui reste très floue dans le roman, mais je pense qu'il faut y voir un lien avec cet aspect de conte, c'est la temporalité : on sait que l'histoire se situe après la chute du communisme, et que Berlusconi est président du conseil italien, mais il n'y a pas d'autre information (et Berlusconi ayant été président du conseil à de nombreuses reprises, ça n'aide pas). De même, certaines scènes se déroulent au temps du l'URSS, mais elles ne sont pas datées, se perdent dans une intemporalité qui leur donnent une portée assez universelle. Et ces retours dans le temps permettent à l'auteur d'élargir sa critique, de l'appliquer également aux excès de l'administration de l'époque et à la peur des habitants.
Voilà un livre qui se lit vite, qui fait rire, et qui croque avec beaucoup de tendresse les travers des Moldaves, tout en offrant une fin pleine d'espoir.
« Récits du Vieux Royaume, tome 2 : Gagner la guerre - Jean-Philippe JaworskiZodiac - Neal Stephenson »
Tags : Vladimir Lortchenkov, Satire
-
Commentaires
Mirobole a fait fort avec Comment j'ai cuisiné mon père, ma mère... et retrouvé l'amour, et depuis j'ai l'impression qu'elle maintient le même niveau d'exigence et de qualité.
Totale découverte pour moi ! Ton billet m'interpelle et m'oblige à noter ce titre pour une éventuelle prochaine lecture, merci
Ajouter un commentaire
Je ne connaissais pas du tout mais cette maison d'édition me fait de l’œil ainsi que leurs publications :)