L'histoire est racontée à la première personne et alterne entre les différents protagonistes (les quatre filles et le lombric) afin d'évoquer la situation par leurs yeux, de montrer l'évolution de chacun d'entre eux. Ce sont ces introspections qui font tout l'intérêt du roman car il permet de plonger dans la solitude terrible de ces ado et de comprendre le titre de l'histoire.

On sait, plus ou moins consciemment, que l'on est tous seuls avec notre esprit, mais c'est impressionnant de voir à quel point ces cinq personnes se sentent seules, totalement isolées, et sont persuadées que personne ne peut les comprendre, et que ce qu'elles pourraient avoir à dire n'est pas intéressant ; même dans le cadre de relations amicales. Cette solitude immense, irréparable, est en bonne partie due à la pression sociale qui pèse sur les jeunes et qui les suit tout au cours de leur scolarité : en effet, en plus des conventions sociales à respecter, ils sont constamment en compétition afin d'avoir les meilleurs notes, d'entrer dans les meilleurs établissements scolaires, afin de ne pas connaître le chômage et d'avoir un métier bien payé (ou d'épouser un homme gagnant bien sa vie). Même ceux qui refusent le système ne peuvent s'extraire de ce piège, et la tristesse et les faux-semblants leurs collent à la peau.

C'est cette solitude qui va être à l'origine des évènements du roman, du meurtre perpétré par le lombric, et de la curiosité qu'il va provoquer chez les quatre filles. Car, contrairement à ce que dit la quatrième de couverture, je n'ai pas eu l'impression qu'elles le voyaient comme un antihéros ; c'est plus la nouveauté, l'incompréhension, et la volonté de justement comprendre, partager quelque chose. Il sera peut-être celui à qui elles pourront avec celui avec qui elles pourront vraiment échanger, partager quelque chose. Et qui pourra leur montrer la voie à suivre pour échapper à cette solitude qui les détruit implacablement. Transgresser totalement les règles sociales pour se créer une nouvelle réalité, un nouveau monde, dans lequel elles pourraient se débarrasser de leur solitude, de leurs douleurs.

Ce roman est violent, pas tant en raison de son sujet que de ces personnages qui ne sont plus que façade alors qu'en eux tout s'effondre. C'est une charge contre la course au bachotage parmi la société japonaise, mais aussi contre une société qui intériorise fortement ses émotions, qui obéit à de très (trop ?) nombreuses règles, jusqu'à inhiber toute spontanéité. 

Une très bonne lecture, en définitive, mais qui ne laisse pas le lecteur intact.