• La trilogie de Gormenghast, tome 2 : Gormenghast - Mervyn Peake

    La trilogie de Gormenghast, tome 2 : Gormenghast - Mervyn Peake

    Après la mort de son père, Titus d'Enfer est devenu le maître d'un royaume affaibli. Le château de Gormenghast est menacé par un mal mystérieux qui s'apprête à noyer gens et biens. Dans la forêt, Titus rencontre une créature sublime, mi-fille mi-oiseau. Fasciné par cette apparition, il décide de la retrouver et s'aventure aux confins du monde, sur l'autre versant de la montagne de Gormenghast.

    Le roman reprend alors que Titus a 7 ans (il en avait 1 à la fin du premier tome) et va jusqu'à ses 17 ans ; on suit donc l'évolution de sa révolte contre Gormenghast et ses rituels au cours de son enfance et de son adolescence. Sauf que comme Mervyn Peake ne donne que très peu de détails sur le temps qui passe (et qu'en plus il y a des incohérences de date ou d'âge dans les 100 premières pages, mais c'est peut-être une erreur de traduction), il est difficile de se rendre compte du rythme de croissance de Titus, de ses étapes, et de visualiser son âge. La plupart du temps, je n'y faisais pas attention, mais ça me perturbait quand tout d'un coup son âge était clairement indiqué parce que je ne l'avais pas vu grandir. Mais le plus perturbant dans tout ça, c'est l'évolution de Fuschia : en effet, à la naissance de Titus, Fuschia a environ 14, donc elle en a 21 au début de ce tome, et 31 à la fin, pourtant elle n'évolue pratiquement pas, restant une enfant, même si son caractère va en s'assombrissant.

    À part l'intrigue autour d'Irma Salprune qui est déconnectée du reste de l'histoire, tout le récit gravite autour de l'affrontement à venir entre Titus et Finelame qui, s'il ne se dessine pas clairement dans la grande majorité de ce tome, devient inéluctable à mesure de l'intensification de la rébellion de Titus qui veut être libre du château et de son rituel, et en raison de la position de Finelame dans le château de Gormenghast : maître du rituel, gardien des traditions immémoriales. Et pourtant, l'origine de leur combat final, de l'affrontement qui met fin à la tension longuement accumulée, est des plus triviales (le vol d'un canoë, objet qui représentait pour Titus la possibilité de s'échapper, de fuir Gormenghast pour parvenir à la liberté), mais à mes yeux bien plus plausible que s'il s'était agi de se battre pour de grands principes, ou une cause supérieure, et j'ai vraiment beaucoup apprécié.

    Tout au long de ma lecture, j'ai été étonnée que les soupçons de la Comtesse Gertrude et du docteur Salprune ne se portent pas plus rapidement ni plus clairement sur Finelame pour expliquer l'origine des changements survenus à Gormenghast alors qu'il apparaît quand tout se dérègle (l'incendie de la bibliothèque, la mort de Grisamer, la folie de Lord Tombal, le suicide des jumelles...), qu'il est le seul élément nouveau dans le monde figé, voire sclérosé, du château (certes, Titus naît à peu près en même temps, mais il est difficile de soupçonner un nouveau né, et encore moins le soixante-dix-septième comte de Gormenghast). Mais, en même temps, quand on voit le cloisonnement de la vie des habitants du château, on peut assez facilement comprendre qu'ils ne sachent pas ce qui se passe en dehors de leur sphère personnelle ; et c'est là que l'attitude de Salprune est encore plus étrange, puisqu'il est un des premier à rencontrer Finelame, qu'il le prend comme apprenti, le voit se rapprocher des jumelles, assiste à son ascension sociale, et puisque, de par son rôle de médecin du château, il est en contact avec toute la population de Gormenghast. De plus, il ne faut pas oublier en tant que lecteur-rice que les personnages n'en savent pas autant (et puis j'avais déjà vu la mini-série de la BBC, donc je savais plutôt bien où on allait). Par contre, même si je dis que j'ai été étonnée de la lenteur de la révélation, j'ai trouvé ce rythme agréable car il donne vraiment le temps à l'intrigue de se développer (et offre quelques scènes très marquantes entre la Comtesse et Salprune).

    Comme dans le premier tome, on retrouve l'opposition entre la jeunesse et la vieillesse, la tradition et la liberté, mais cette fois-ci elle ne s'incarne plus dans Fuschia, qui s'enferme de plus en plus dans son monde, mais par Titus et la Créature. La situation de Finelame est plus ambiguë, car s'il reste un jeune homme, il est le représentant de la tradition et ne veut pas entendre parler de liberté, juste de pouvoir (et la transformation qu'il fait subir à la bibliothèque du maître du rituel quand il en prend possession après la mort Brigantin dans la mini-série est très révélatrice de sa froideur et de son besoin de contrôle). En tout cas, si dans le premier tome la tradition l'emportait, avec l'intronisation de Titus alors qu'il n'avait que 1 an, c'est la liberté qui gagne dans celui-ci car il parvient à échapper totalement à Gormenghast.

    Après ma lecture, j'ai revu les deux derniers épisodes de la mini-série, toujours aussi bons et fidèles malgré quelques détails qui ne portent que peu à conséquence. J'ai également regardé les bonus : des entretiens avec les acteurs, le réalisateur et la productrice, et cela a approfondi ma réflexion. En plus des considérations sur les classes sociales à Gormenghast, l'immobilité de sa société, ce qui m'a le plus intéressée c'est le rapport à la sexualité. Dans le roman, la sexualité n'apparaît en tant que telle qu'à deux reprises : quand Finelame décide qu'il violera Fuschia, et quand Titus veut embrasser la Créature. Le reste du temps, il n'est question que de frustration, de refoulement, notamment pour Irma. De plus, si l'on prend en considération l'analyse de Jonathan Rhys Meyers selon laquelle Finelame, le personnage qu'il interprète, aurait été sexuellement abusé par Lenflure, le maître des cuisines dans lesquelles il travaille au tout début du premier tome, du temps où il était garçon de cuisine, ce qui a profondément façonné sa personnalité, alors le sexe est vraiment à l'origine de l'histoire (puisque tout commence aussi avec la naissance de Titus). Vu sous cet angle, l'affrontement entre Titus et Finelame se joue aussi sur le rapport au corps, à la sexualité, et à l'opposition entre la volonté de contrôle névrotique de soi et des autres et l'envie de découvrir l'autre, de le connaître.

    Malgré tout, et en grande partie grâce à la très bonne interprétation de Jonathan Rhys Meyers qui allie la faiblesse, la froideur et la manipulation, Finelame reste mon personnage préféré, suivi de près par la Comtesse Gertrude. Par contre, je n'ai pas envie de lire le troisième tome de la trilogie car l'intrigue quitte totalement Gormenghast, et Titus est le seul personnage que l'on y retrouve.

    La trilogie de Gormenghast, tome 2 : Gormenghast - Mervyn Peake

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