• Je suis ton ombre - Morgane Caussarieu

    Je suis ton ombre - Morgane Caussarieu

     

    Dans un village du Sud-Ouest de la France, un jeune garçon vivant avec son père handicapé, seul, malheureux, en échec scolaire, souffre-douleur de ses camarades, fait de son mieux pour survivre dans le désordre de sa vie. Le jour où il trouve un étrange carnet dans une maison calcinée, peut-être hantée, sa vie va basculer encore un peu plus dans l'horreur. Fascinée par ce petit livre, il l'ouvre et voit sur la première page : « Si tu lis ces lignes, prie pour que je ne sois pas déjà mort sinon c'est toi qui mourras. » Intrigué autant qu'effrayé, il continue sa lecture...

    J'ai déjà dit que je suis fan de Morgane Caussarieu ? Si non, voilà, c'est fait !

    Ce roman n'est pas exactement une suite de Dans les veines, mais il se déroule dans le même cadre : continuité des faits et proximité géographique (là l'histoire se déroule au Temple, une commune à une quarantaine de kilomètres de Bordeaux qui existe vraiment, et bonjour la réputation que ce bouquin lui taille, j'aimerais pas être à la place de ses habitants !). On retrouve aussi le même goût pour le glauque et le plaisir de faire voler en éclats l'illusion d'un cocon familial ou amical sécurisant. Ce n'est donc pas obligatoire d'avoir lu Dans les veines d'attaquer cette lecture, ça offre juste un plus.

    Le ton est tout de suite donné avec la définition de trois types de jumeaux particuliers : le jumeau « fantôme », le jumeau « cannibale » et le syndrome « transfuseur-transfusé », qui laissent entendre qu'on va avoir affaire à des jumeaux, d'une façon où d'une autre, et à une relation toxique. Cette première impression malsaine est renforcée par le prologue qui nous dépeint une scène de harcèlement scolaire dans les toilettes de l'école primaire du Temple racontée par Poil de Carotte, le protagoniste, qui ne cache rien de ce que ce moment lui inspire, ni de ce qu'il ressent pour son ami qui est humilié en même temps que lui. Le reste du roman est à l'avenant, avec de nombreuses scènes qui ont réussi à me mettre mal à l'aise (mais en même temps, dès qu'on s'en prend à des animaux ou qu'il est question de violences contre les femmes, je réagis assez mal).

    Le roman est divisé en deux récits, les deux à la première personne : celui de Poil de Carotte, le gamin du Temple, souffre-douleur de sa classe avec son ami (si l'on peut dire) David mais qui rêve de faire partie de la bande de Timmy (et qui ne rêve pas que de ça avec Timmy), hanté par la mort de son frère, empli de la haine de soi-même ; celui du garçon du carnet qui raconte sa vie au début du XVIIIième siècle à la Nouvelle Orléans, entre bayou et plantation d'un riche français qui le prend sous son aile, lui et son frère jumeau. Mais ce garçon est également présent auprès de Poil de Carotte sous la forme d'un « fantôme ». Même si les deux histoires sont indissociables, j'ai préféré celle de Poil de Carotte, surtout parce qu'elle fait plus appel aux sensations, aux sentiments, aux pensées de son personnages, à celle du carnet. En plus de ça, j'ai assez rapidement compris où cette dernière histoire allait mener, même si j'ai apprécié la révélation quant à l'origine du « oupire » qui sème la terreur dans la plantation. Il n'y a que le retournement de situation final que je n'ai pas vu venir, mais il est très bien foutu et il m'a vraiment plu.

    Au cours de ma lecture, j'ai parfois eu l'impression d'être devant un livre de Stephen King tant Morgane Caussarieu est crue en ce qui concerne la violence et la perversité des gamins entre eux, et ça m'a particulièrement fait penser à Ça. Cette représentation des mômes me dérange profondément, parce que ce n'est pas comme ça que je me rappelle mon enfance, parce que ce n'est pas ainsi que je vois, ou que j'ai envie de voir, cette période de la vie. Mais, dans le même temps, je ne peux pas nier que la violence et la perversité sont des penchants qu'on laisse se développer dans notre société, et que ça touche tous les âges. En tout cas, c'est très bien fait, et la scène du viol dans le bunker est proche de l'insoutenable.

    Puisqu'on parle de viol, il faut bien évoquer la sexualité dans le roman, et j'ai l'impression qu'il n'y a que les sentiments de Poil de Carotte pour Timmy (ainsi qu'entre le père et la « belle-mère » du garçon du carnet) qui sont sains, toutes les autres relations étant marquées par la violence, la domination et la perversité. 

    En vrai, c'est un tableau peu reluisant de l'être humain, et plus particulièrement de l'homme, qui est dressé.

    Et pour finir, un petit morceau qui fait une apparition fugace dans le roman mais que j'aime beaucoup, et que j'ai vraiment apprécié de croiser car il m'a permis de relâcher un peu la pression (et je partage totalement les goûts musicaux de Morgane Caussarieu, que ce soit dans ce roman ou Dans les veines) :

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