• Notre quelque part - Nii Ayikwei Parkes

    Notre quelque part - Nii Ayiekwe Parkes

     

    C'est Yao Poku, vieux chasseur à l'ironie décapante et grand amateur de vin de palme, qui nous parle. Un jour récent, une jeune femme rien moins que discrète, de passage au village, aperçoit un magnifique oiseau à tête bleue et le poursuit jusque dans la case d'un certain Kofi Atta. Ce qu'elle y découvre entraîne l'arrivée tonitruante de la police criminelle d'Accra, et bientôt celle de Kayo Odamtten, jeune médecin légiste tout juste rentré d'Angleterre. Renouant avec ses racines, ce quelque part longtemps refoulé, Kayo se met peu à peu à l'écoute de Yao Poku et de ses légendes étrangement éclairantes...

    J'ai découvert ce roman en médiathèque et j'ai de suite eu envie de lire cette histoire policière mâtinée de fantastique dans un cadre africain, en l’occurrence ghanéen.

    Tout commence comme un conte, raconté par un ancien, Yao Poku, qui entend faire à son interlocuteur le récit des faits qui se sont déroulés dans son village, après qu'une jeune femme (pas assez ronde pour remplir les critères de beauté traditionnels) ait pénétré dans le village en voiture avec chauffeur et ait découvert quelque chose dans une case ; je dis quelque chose, car personne n'est capable de dire précisément ce qu'est cette masse de chairs nues. Cette jeune dame étant la maîtresse d'un ministre du gouvernement ghanéen, tous les moyens sont mis en œuvre pour trouver une explication, entre corruption, passe droit, menaces et clientélisme. Malgré tout, Kayo, médecin légiste formé en Angleterre qui travaille dans un banal laboratoire d'analyses privé, et engagé de force dans cette enquête par la police, n'a de cesse de trouver la vérité.

    J'ai toujours une certaine réserve quand j'aborde une œuvre se déroulant en Afrique, qu'il s'agisse d'un film ou d'un livre, car je redoute toujours l'idée reçue, le préjugé, la caricature, aussi bien de la part de l'auteur que de la mienne, mais le fait que Nii Ayikwei Parkes soit lui-même Ghanéen m'a rassurée et m'a permis de me plonger avec confiance dans ce récit.

    Parkes traite de deux mondes différents qui cohabitent plus ou moins bien dans le même pays : la capitale, Accra, de plus en plus moderne, et les villages de brousse, qui conservent les traditions, les légendes, les savoirs. Cette opposition se manifeste dès le début de l'histoire, quand Yao Poku s'offusque que le policier venu au village pour en savoir plus sur la trouvaille de la maîtresse du ministre ne le salue pas correctement, de la façon dont on doit saluer un ancien. Comme en miroir, Kayo comprend très bien qu'il doit se couler dans le moule du village pour mener son enquête, et met dès le départ les formes dans ses rapports avec Yao Poku. Malgré tout, l'auteur n'oppose pas de façon manichéenne la ville et la brousse, et la vie est aussi agréable au village, avec les enfants qui jouent et le vin de palme, qu'à Accra avec les amis et une bonne bière ; mais, dans cette dernière, il faut éviter d'entrer en contact avec la police, car son peu de professionnalisme expose à de nombreux risques.

    La narration est un vrai plaisir, partagé par Yao Poku qui nous raconte son histoire, et un narrateur extérieur qui nous donne le point de vue de Kayo. Même si les deux voix sont très différentes, on retrouve la même magie, l'humour, la précision, le sens de la formule, des expressions typiques de l'Afrique de l'ouest (ou tout du moins, qui l'évoque magnifiquement aux yeux de l'occidentale que je suis). En plus de ça, la traduction rend bien les moments où les personnages parlent en anglais ou dans une langues africaines, des moments où ils parlent en pidgin : dans le premier cas, la syntaxe est correcte, alors que dans le deuxième c'est plutôt du petit nègre. Mais c'est la caractéristique du pidgin, et il n'y a là aucun mépris. Au contraire, cela rend le livre encore plus vivant. Et, pendant toute ma lecture, j'avais un accent africain dans les oreilles.

    En ce qui concerne le fantastique, il est indissociable des traditions africaines, des féticheurs et des légendes. Il se diffuse lentement à travers tout le roman, par petites touches discrètes. Et encore une fois, Parkes utilise ses personnages pour confronter les deux réalités du Ghana d'aujourd'hui, avec Yao Poku qui l'accepte naturellement, ne se pose même pas la question, et Kayo qui doute, partagé entre ses origines et ses études en Angleterre.

    En définitive, voilà un roman qui m'a totalement transportée, et j'espère pouvoir en lire d'autres du même genre et de la même qualité.

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 13 Février 2015 à 09:35

    OH ! ça donne vraiment envie de le lire ! ^^

    2
    Vendredi 13 Février 2015 à 16:07

    Ravie que ma chronique te plaise et te donne envie ! Il m'a tellement plu que j'ai vraiment envie de le faire partager.

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