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La folie de Dieu - Juan Miguel Aguilera
« Toute la cité semblait faite de cristal et les édifices étaient élancés et diers comme les tours des cathédrales, combinant le blanc translucide avec le cristal, encastré dans de délicates structures de métal doré. La beauté de ce que je vis m'émut aux larmes... »
Afin de prouver l'existence de Dieu, Ramon Llull, savant émérite et atypique, part à la recherche de la cité biblique de Prêtre Jean aux côtés de chevaliers Almogavars. Au terme d'un long périple ponctué de rencontres merveilleuses et de batailles sanglantes, la troupe découvre bientôt aux confins de la mer d'Aral la ville d'Apeiron, dernier symbole de la grandeur de l'Homme.
Mais, en dépit de sa civilisation avancée et de ses découvertes technologiques, la « Cité de cristal » est fragilisée : l'Adversaire s'est introduit dans ses murs.
Pour Ramon, l'aventure vire au cauchemar car, loin de rencontrer Dieu comme il s'y attendait, le voilà confronté au Malin, à ses œuvres, à ses démons...
C'est par hasard que je suis tombée sur ce livre en bibliothèque, et puisque l'histoire m'intéressait, j'ai décidé de le lire. En plus de ça, le fait que l'auteur soit Espagnol me donnait également envie de m'y plonger, puisque j'ai envie d'aborder des autres horizons autres que français ou anglo-saxons.Le livre a deux narrateurs différents, qui sont loin d'avoir la même importance : le premier, qui ouvre et clôt le roman, permet de présenter l'histoire elle-même, qui a la forme d'une confession, racontée à la première personne par Ramon Llull lui-même. On suit donc son parcours, ses pensées, ses espoirs et ses craintes. Comme il s'agit d'une confession, il nous prend à témoin, s'adresse directement à nous. J'ai aimé cette présentation des choses, même si cela m'a un peu gâché le suspens, car il était évident que Ramon s'en sortait et revenait de son périple et de sa rencontre avec le Malin.
La première chose qui m'a frappée à la lecture, c'est la profonde érudition de l'auteur. Il place son histoire en 1302, à Constantinople et au Moyen Orient, dans un contexte géopolitique complexe, entre Byzantins, Catalans, Sarrasins et Turcs, qu'il maîtrise parfaitement. Aguilera connait également très bien les superstitions religieuses de l'époque, le Prêtre Jean, Gog et Magog, ainsi que les connaissances scientifiques des érudits du XIV° siècle. Cela apporte une vraie densité au roman, renforce la véracité de la confession de Ramon.
Cette impression est renforcée par le fait que tous les personnages principaux du roman, Ramon Llull, Roger de Flor, les membres de la famille impériale byzantine, ont tous existé. Aguilera profite des trous, des zones d'ombre de l'histoire du religieux pour donner un cadre sérieux à son histoire. Je n'ai appris la réalité des personnages qu'après coup, me demandant au fur et à mesure de l'avancée de ma lecture ce qui était vrai et ce qui était imaginaire dans le roman, et j'ai apprécié ce mélange de réalité et de fantastique.
Par contre, il y a un détail qui m'a fortement surprise lors de ma lecture, c'est la technologie utilisée dans la cité de Prêtre Jean. Difficile ici de trop en dire, car la quête de cette cité occupe une bonne partie du roman, et sa découverte est un choc pour Ramon et les Almogavars tout comme pour le lecteur. Bien sûr, ce dernier comprend vite ce dont il s'agit, et je trouve que le décalage entre la technologie de la cité, les connaissances de Ramon, celles des Catalans, et celles du lecteur est très intéressant.
Enfin, la question qui demeure après la lecture reste ouverte, et je doute que personne n'en ai la réponse, du moins pas avant de nombreuses années.
En définitive, c'est un très bon roman, très riche, et qui demande des connaissances presque aussi bonnes que celles de l'auteur pour comprendre le contexte géopolitique et les questionnements de Ramon. Si je trouve d'autres romans de cet auteur, je les lirai probablement.
Tags : Steampunk, Uchronie, Juan Miguel Aguilera
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