• Dehors les chiens, les infidèles - Maïa Mazaurette

    Dehors les chiens, les infidèles - Maïa Mazaurette

     

    « Dehors les chiens, les enchanteurs, les impudiques, les meurtriers, les idolâtres. Moi, Jésus, je suis l'étoile brillante du matin. »

    Apocalypse de Jean, XXII, 15-16.

    Quatre-vingt ans après la défaite des forces de la Lumière face aux Ténèbres, le monde ne connait plus que la nuit éternelle. Seul espoir de voir un jour se lever le soleil : la Quête. Tous les cinq ans, un groupe de cinq adolescents spécialement entraînés part à la recherche de l'Étoile du Matin, arme légendaire, seule capable de lever la malédiction divine qui frapper l'humanité.

    Voilà un livre dont je n'avais absolument pas entendu parler, mais le titre m'avait interpellée, de même que la quatrième de couverture. Et comme je venais d'enchaîner un bon nombre de livres de SF, j'avais envie d'une petite pause et de lire un autre genre. J'ai donc choisi celui-ci.

    Maïa Mazaurette nous plonge directement dans l'histoire, sans aucun chapitre d'exposition, avec un groupe de cinq Quêteurs en mission. C'est une façon d'aborder le roman qui m'a beaucoup plu, pas de bla-bla inutile, pas d'explications à rallonge sur qui est qui, que s'est-il passé précédemment, où l'on se trouve ; elle fait confiance à l'intelligence du lecteur pour comprendre tout ça, et son texte est si clair, si limpide, que ça ne pose aucun problème de compréhension (et la quatrième de couverture est elle aussi suffisamment claire pour permettre de comprendre certains détails qui pourraient rester dans l'ombre). On réalise vite que les cinq Quêteurs ont déjà bien avancé dans leur mission, qu'ils ont des pistes ; on évite donc tout le côté formation, rencontre, début de l'aventure, qui peut être intéressant mais qui est vraiment un poncif en fantasy et qui a une forte tendance à me gonfler. Le reste de leur aventure va découler directement des évènements survenant au début du roman, tout est très simple, évident, et pourtant... Pourtant, Maïa Mazaurette y apporte énormément de vie, nous montre les aspirations de chacun, les caractères qui s'affrontent, les buts qui peuvent diverger, parmi les Quêteurs aussi que parmi ceux qui les entourent et qui ont un intérêt dans la Quête. C'est psychologique, c'est politique, tout en finesse. Très bien ciselé, donc.

    Le monde qu'elle nous présente est également une petite merveille. De certaines informations (Jésus, le pape, les Juifs, etc.), on pourrait facilement déduire que nous sommes en Europe, mais rien de factuel, aucune topographie, aucun nom de lieu, ne vient corroborer cette idée. Elle entretient volontairement le flou, de façon à ancrer plus facilement son histoire, mais aussi de permettre à l'esprit de s'évader, d'imaginer autre chose. Les conséquences de la disparition de la Lumière sont aussi bien exploitées : au cours des quatre-vingt dernières années, une brume opaque a peu  peu recouvert le ciel, dissimulant le ciel, le soleil, les étoiles et la lune, plongeant le monde dans une ombre éternelle, qui fait que la nuit se distingue à peine du jour. Et en quatre-vingt ans, les gens ont fini par ne plus savoir ce à quoi le monde d'avant pouvait ressembler. La Quête vise donc à ramener la Lumière, mais qu'est-ce que la Lumière ? À quoi ressemble-t-elle ? D'autant plus que sans la lumière du soleil, les corps sont plus faibles, les récoltes inexistantes ou presque, le régime charognard est devenu la norme. La vie a complètement changé, et comment envisager de vivre autrement sans crainte ? Cela fait partie des doutes de certains Quêteurs, car même s'ils ont tous la foi, ils ne peuvent s'empêcher de réfléchir, de se poser des questions.

    Et la foi, justement. C'est un élément central du roman, qui peut en rebuter certains, mais que j'ai trouvé parfaitement adapté. Car après la perte de la Lumière et de l'Étoile du Matin et la victoire des Ténèbres, comment ne pas espérer, prier Dieu et le Crucifié pour connaître un monde meilleur, un monde loin de la misère, de la faim, des déformations physiques, de la terreur, tout simplement ? Bien sûr, l'emprise de la religion ne vient pas de nulle part, elle a été orchestrée, certains s'en servent, car la politique n'est pas absente du livre. Mais la religion est utilisée à bon escient par Maïa Mazaurette, et même le fanatisme exprimé par de nombreux personnages est normal dans une telle situation et avec une telle éducation. Et toutes les références de l'auteure à la religion sont naturelles, évidentes dans le contexte, voire même sincères. C'est une très belle réussite.

    Un très bon roman de fantasy, qui mêle habilement les stéréotypes du genre (la Quête pour sauver le monde) avec un univers post-apo bien pensé et bien utilisé. Et en plus, la fin est superbe.

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 16 Mai 2014 à 12:00
    Je garde un bon souvenir de cette lecture. Une histoire plutôt convenue mais un décor original et des réflexions intéressantes à se faire sur le fanatisme religieux.
    2
    Mercredi 25 Mars 2015 à 20:21

    Rolala tu éveilles me curiosité et tu me donnes envie de le découvrir ^^ Je le note.

    3
    Jeudi 26 Mars 2015 à 00:00

    Il vaut vraiment le coup, j'espère que tu aimeras ^^

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