• La Vénus anatomique - Xavier Mauméjean

    La Vénus anatomique - Xavier Mauméjean

     

    1752. L'Europe en dentelles est teintée de sang. Le philosophe-chirurgien Julien de la Mettre, dont les ouvrages ont jadis été brûlés, mène une vie sans histoire derrière les remparts de la bonne ville de Saint-Malo. Repos troublé, un soir, par une convocation fort déplaisante : le Secret du Roi, ce cabinet obscur qui conduit la diplomation souterraine de Louis XV, souhaite l'exposer aux feux de Versailles... Une telle invitation ne se refuse pas, mais qu'attend-on de lui ? Sur la route, les Mousquetaires noirs menasse le carrosse ; à Paris, la Chambre ardent, redoutable tribunal d'inquisition qui aime peu la science et la raison, entend bien faire respecter la justice de Dieu.

    Du paradis à l'enfer, le chemin est tout droit... Ainsi bascule la vie de la Mettrie. Biomécaniciens et sculpteurs de chair, monarques cyniques, séducteurs emperruqués et femmes de tête se succèdent en des lieux que la morale réprouve (magasin d'enfants, mausolée des plaisirs ou Manufacture de Cadavres), tandis que plane en coulisse l'ombre mécanique des automates, anatomies mouvantes de chair et d'acier.

    C'est aux Utopiales 2013 que j'ai découvert Xavier Mauméjean et que j'ai pour la première fois entendu parler de ce livre, qui m'a tout de suite intriguée. Constatant qu'il était à la médiathèque de ma ville, je n'ai pas tardé à l'emprunter pour me faire un avis.

    J'ai tout de suite aimé la présentation du livre, qui est tout à fait celle du XVIII° siècle, ainsi que l'auteur annoncé : Julien Offroy de la Mettrie. L'historie est donc racontée à la première personne, par la Mettrie lui-même, et la langue et le style sont donc ceux de l'époque. Cela peut peut-être dérouté le lecteur, mais pour ma part j'ai vraiment adoré (et j'admire vraiment le travail de l'auteur de parvenir ainsi à retourner si bien dans le passé).

    L'histoire commence donc en 1752 (alors que le vrai la Mettrie est mort en 1751...), à Saint-Malo, où le chirurgien-philosophe vivote tant bien que mal après ses études aux Pays-Bas, un passage dans l'armée, et divers livres brûlés par le bourreau. Un homme du Secret vient lui annoncer que sa présence est désirée à Paris, façon élégante de dire qu'il s'agit d'un ordre auquel il doit obéir. On se retrouve donc bien vite à la capitale, où la Mettrie est l'objet de divers attentats dont il est difficile de comprendre les motifs, la situation étant aussi embrouillée à nos yeux qu'elle l'est aux siens. Il y rencontre également ses futurs compagnons de route, Jacques Vaucanson et Honoré Fragonard, ainsi que d'autres personnages célèbres : le Chevalier d'Éon, Casannova, Maurepas, Argenson, la Pompadour, et même le roi en personne. L'intrigue met par contre du temps à se développer, et on ne sait qu'après la première moitié du roman pour quelle raison il a ainsi été invité à Paris, dont l'action s'éloigne d'ailleurs.

    Étant donné les dates de mort de la Mettrie et du déroulement du roman, il est évident qu'il s'agit d'une uchronie, mais une uchronie bien étrange. Impossible de savoir quand l'histoire a dévié, de quelle façon, et même de se rendre compte clairement des différences entre les deux réalités ; j'ignore par exemple si le fusil à comprimé utilisé dans le livre a vraiment existé et été utilisé à l'époque. Par contre, certaines situations sont clairement uchroniques, et elles laissent transparaître un totalitarisme à mi-chemin entre le despotisme et le fascisme ; ce que l'épilogue du roman confirme.

    La fin, d'ailleurs, est assez déroutante, et nécessite plusieurs relectures pour en comprendre le sens et toutes les implications, mais c'est assez vertigineux, plutôt improbable pour l'esprit actuel, mais après tout, pourquoi pas... Saint-on jamais de quelle façon les personnages historiques auraient réagi à une situation donnée ?

    C'est en tout cas un très bon roman, inventif, entraînant, avec une belle réflexion sur l'homme, la machine, les liens entre eux, et sur l'utilisation de la science par les puissants et les dirigeants, même si le style peut dérouter.

    La Vénus anatomique - Xavier Mauméjean
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