-
Sur le fleuve - Léo Henry et Jacques Mucchielli
Amazonie, seizième siècle. Quelques dizaines d'âmes embarquent sur des radeaux pour percer les secrets du pays d'Eldorado. Nobles de la vieille Europe, gens d'églises ou mercenaires, Indiens de la montagne, tous se livrent à la merci du grand fleuve. Et l'un après l'autre, les hommes meurent assassinés. Est-ce bien un jaguar qui les a pris en chasse ? La forêt se referme. La folie rôde. Et l'eau continue de couler.
J'étais tombée par hasard sur ce livre aux Utopiales 2014, et la couverture avait de suite attiré mon œil ; les formes sinueuses, les couleurs glauques... Tout cela sentait les marécages et l'enlisement, quand bien même le titre évoquait un fleuve.
Au-delà de cette couverture, je me suis lancée dans ma lecture un peu à l'aveuglette car ce livre n'a pas de quatrième de couverture, ni d'indications sur son thème à l'intérieur de la couverture. La seule véritable piste, c'est le Dramatis personae des premières pages, qui laisse entendre qu'on se situe pendant la conquête / découverte de l'Amérique du sud et surtout de la forêt amazonienne. Mais le récit permet rapidement de comprendre que nous sommes à la fin du XVI° siècle et qu'un ancien inquisiteur a monté une expédition afin de trouver El Dorado, expédition financée par un noble espagnol qui a décidé d'y participer. Mais, rapidement, les hommes perdent pied face à ce monde dont ils ignorent tout, et qu'ils considèrent presque tous d'emblée comme barbare et inférieur. Cette incompréhension les mène rapidement à la violence et la folie, sur ce fleuve qui poursuit implacablement son cours, leur interdisant de lui échapper.
La narration épouse le point de vue des divers membres de l'expédition, passant fluidement de l'un à l'autre, apportant à chaque fois de nouvelles informations sur le déroulement de l'expédition et des évènements qui la secouent, mais également sur le passé des protagonistes, sur la raison de leur présence. Cette technique permet de créer rapidement des personnages crédibles et bien individualisés, alors que le roman est court (119 pages seulement), et, alors qu'ils sont nombreux (10), je ne me suis jamais perdue. De plus, entre les différents chapitres vient régulièrement s'intercaler jauara iche, qui apparaît comme un esprit de la forêt, et qui s'adresse directement au lecteur, le prenant comme témoin. Les passages de jauara iche ont un style très différent du reste du roman, avec des répétitions, des images, des références aux légendes des populations amazoniennes... On se sent vraiment transporté dans un autre monde, fantastique, à la limite de la réalité et du monde des esprits.
L'ambiance dans laquelle l'expédition évolue est lourde, pesante. Les ombres de la forêt amazonienne pèse sur les hommes, sur leur état d'esprit. On sent la moiteur, on entend le bourdonnement des insectes, le bruit incessant de l'eau... Tout l'environnement est parfaitement rendu, et les Européens, avec leurs certitudes, leurs vêtements, leur équipement, sont vraiment déplacés dans ce monde sauvage. Cette inadéquation est d'ailleurs soulignée par les réflexions de jauara iche à propos des peuples amazoniens et par les légendes qu'il raconte.
L'utilisation de la légende d'El Dorado est un classique, mais assez incontournable dans le cadre de la conquête de l'Amérique du sud, et j'ai bien aimé la façon dont il est traité, la place qu'il lui est donnée dans les légendes amazoniennes et sa réelle signification.
En définitive, voilà un petit livre intriguant que j'ai littéralement dévoré et vraiment beaucoup aimé. De plus, l'ambiance m'a par moments rappelé Le vieux qui lisait des romans d'amour, de Luis Sepulveda, un de mes romans préférés.
Tags : Léo Henry, Jacques Mucchielli, Historique
-
Commentaires
J'aime énormément les romans ayant pour sujet la conquête / découverte de l'Amérique, je trouve ça passionnant !
Merci pour cette super tentation de plus
Oui, tout est fait pour qu'on soit happé par la magie de la forêt amazonienne, et ça marche parfaitement !
Ajouter un commentaire
J'avais lu une autre critique tout aussi bonne que la tienne sur ce livre, qui semble vraiment être ensorcelant au final ! L'ambiance, la nature du roman, le style, on a vraiment l'impression que tout est fait pour nous aspirer :)
Je le note avec grand soin, j'aimerais beaucoup le lire :)