• Les amants étrangers - Philipp José Farmer

    Les amants étrangers - Philipp José Farmer

     

    En 3050, l'Amérique du Nord est dirigée par le Clergétat, ordre religieux ultra-puritain, susceptible de vous envoyer en enfer pour « irréalité » au moindre péché. En partant en mission sur la planète Ozagen, Hal Yarrow pense avoir laissé cette société qu'il abhorre derrière lui. Mais le conditionnement subi depuis son plus jeune âge résiste à l'éloignement et rien ne semble pouvoir le briser. À moins que la belle Jeannette, mystérieuse étrangère, ne parvienne à faire tomber les derniers tabous de Yarrow ?

    Ce livre m'intriguait depuis un petit moment, avant tout en raison de sa réputation, qui en fait le premier livre de SF à aborder sérieusement le thème de la sexualité et de ses implications.

    Le roman commence comme une dystopie : Yarrow ne se sent pas à sa place dans la société nord-américaine dirigée par le Clergétat, avec son système social très rigide, sa théocratie totalitaire, son système de délation organisé, y compris entre époux, ses condamnations à mort (l'Enfer) pour non respect des valeurs prônées, l'obsession du péché, la haine du corps, etc. Et, pour que l'intrigue puisse prendre place, Yarrow est forcément en décalage, aussi bien en raison d'une certaine indépendance d'esprit que d'un comportement pas tout à fait approprié vis-à-vis de sa femme, qui le dénonce à son « confesseur » pour un rien afin de rester pure, ce qui diminue la CM (cotation mentale) de celui-ci et son avancement. Ainsi, quand un membre de la police (un uzzite) l'amène devant un religieux membre de l'administration (un uriélite), il craint pour sa vie. Sauf qu'on a besoin de lui et de ses talents de linguiste généraliste (au contraire de la plupart des scientifiques qui sont extrêmement spécialisés et ont donc besoin que quelqu'un les tienne au courant des avancées dans les autres branches de leur science) dans le cadre d'une mission spatiale envoyée vers une planète lointaine qui accueillera peut-être le retour du Précurseur, le messie du Clergétat, et qui abrite une vie intelligente avec laquelle il faudra composer.

    Par rapport à ce que l'on peut lire à l'heure actuelle, et étant donné le « bain sexuel » dans lequel on baigne au quotidien, ce roman n'a rien de révolutionnaire ni de choquant dans sa description du sexe (en même temps, il a été écrit en 1961), mais il garde tout de même à mes yeux de grandes qualités. La première d'entre elles est très certainement la finesse des situations et des comportements : le signe le plus évident en est certainement la complexité géopolitique de la Terre, qui a bien évoluée depuis notre époque, mais aussi la diversité et la complexité évolutive et géopolitique de la planète Ozagen (on évite ainsi la planète monolithique, avec un seul peuple, un seul État, un seul climat, etc. qui a le don de m'horripiler) ; deuxième manifestation de cette finesse, l'évolution de Yarrow, au contact de Jeannette, certes, mais aussi des habitants d'Ozagen qu'il est amené à côtoyer, qui se fait par petites touches et se déroule une période assez longue ; enfin, j'ai trouvé le dénouement final vraiment bien amené, surprenant et satisfaisant, avec de nombreuses interactions entre les différents personnages et des volontés diverses qui s'affrontent.

    Autre point positif, alors qu'il m'inquiétait un peu au début, j'ai beaucoup aimé le traitement de Jeannette. En effet, je craignais qu'elle ne soit très stéréotypée, façon bonne épouse, femme au foyer, ou au contraire bête de sexe qui dévoie Yarrow. Mais, loin de ces images, elle est elle aussi très nuancée, cuisinière accomplie et couturière de talent, mais aussi intéressée par les sciences, capable de mener des conversations difficiles, avec une sexualité assumée et épanouie, sans aucune agressivité. De même, et bien qu'elle apparaisse au final assez peu dans le roman, l'épouse de Yarrow est pétrie de contradictions, façonnée par le Clergétat, décidée et volontaire dans ses choix de vie... Une femme normale, avec un travail banal et un mari plus ou moins indifférent, comme il y en a tant, tout simplement.

    En fin de compte, j'ai beaucoup apprécié ce roman, qui, s'il ne correspond pas vraiment à ce à quoi je m'attendais, m'a agréablement surprise grâce à une histoire toute en nuances, qui accorde beaucoup de place à ses personnages et les laisse se développer, même s'il n'y a qu'un seul personnage principal.

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  • Commentaires

    1
    Lundi 26 Octobre 2015 à 15:42

    Je n'avais jamais entendu parler de ce roman, c'est intéressant qu'il ait été écrit dans les années 60. Merci pour la découverte ! :)

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    2
    Vendredi 6 Novembre 2015 à 00:00

    Je t'en prie :)

    3
    Mercredi 10 Février 2016 à 11:17

    Bizarrement, je l'ai beaucoup moins apprécié que toi ! Peut-être n'étais-je pas dans la bonne phase pour le lire mais je l'ai trouvé très daté. Pourtant j'adore les anciens romans de SF, mais celui-là j'ai trouvé qu'il avait pris un sacré coup de vieux, et qu'il n'avait pas gardé sa force d'antan… Je suis contente qui t'ait plu en tout cas :)

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