• Car je suis légion - Xavier Mauméjean

    Car je suis légion - Xavier Mauméjean

     

    - 585 av. JC. Sarban est encore un enfant quand il quitte la ferme familiale pour Babylone, et qu'il entre comme novice dans l'Ordre des accusateurs. « Ordre et Stabilité », telle est la devise des juges, qui veillent au respect de la loi dans la cité.

    Quinze ans plus tard, Sarban est devenu un accusateur estimé et redouté. Un jour, les présages annoncent que les dieux sont épuisés et que les hommes doivent verser leur sang : le temps est suspendu, la loi n'a plus cours. Le peuple de Babylone devient fou et le chaos s'installe dans la cité. Crimes, viols, pillages... tout est permis.

    Dans la fureur générale, Sarban remarque un meurtre étrange qui semble avoir été commandité avant la suspension de la loi... Des Jardins Suspendus à la tour de Babel, malgré la haine des hommes et la colère des dieux, l'accusateur décide de mener l'enquête. Pour le pire.

    Comme vous le savez certainement si vous suivez un peu ce blog, j'aime beaucoup Xavier Mauméjean, ce qui fait que quand j'ai découvert ce livre qui se déroule dans le cadre de l'empire néo-babylonien, je n'ai pas hésité longtemps avant de me plonger dans sa lecture.

    L'histoire se déroule donc sous le règne de Nabuchodonosor II, le plus grand roi néo-babylonien, constructeur des jardins suspendus de Babylone et destructeur du premier temple de Jérusalem, entre autres. Nous suivons Sarban, un fils de paysan distingué par un personnage important du royaume en raison de son intelligence et appelé à intégrer l'école des juges, également appelés accusateurs. La sélection est féroce, mais le récit occulte toute cette partie nous se concentrer après cette introduction sur un Sarban adulte et pleinement juge. L'élément perturbateur du roman est l'annonce par le grand prêtre de Marduk, le dieu le plus important du panthéon babylonien, que le dieu, ainsi que sa sœur Innana/Ishtar, sont fatigués et que, le temps qu'ils se reposent, les forces démoniaques de Tiamat vont se répandre sur la terre et que la loi sera abolie. Cette interruption du cours normal du temps a de nombreuses conséquences pour les juges, qui sont dans une situation bancale, en butte à l'agressivité d'une population qui peut se retourner librement contre les puissants, les possesseurs, les garants de l'ordre social (donc les juges, mais également les prêtres, les militaires ou les fonctionnaires). Dans ce cadre, Sarban devine qu'il y a anguille sous roche lorsqu'il assiste à un meurtre apparemment prémédité, et il va tout faire pour mener son enquête, malgré la suspension de la loi qui lui met des bâtons dans les roues.

    En abordant ma lecture, j'avais du mal à comprendre ce que pouvais représenter l'abolition du temps et ses conséquences, et même pendant ma lecture j'avais parfois du mal à assimiler les déchaînements de violence que cela pouvait entraîner. J'ai finalement compris ce que tout cela représentait : l'abolition du temps est causée par la fatigue de Marduk, qui avait vaincu Tiamat et ses hordes démoniaques, permettant ainsi l'émergence du monde organisé, fatigue qui se manifeste par divers présages, et notamment une éclipse totale de soleil. À partir de ce moment, et jusqu'à ce que le dieu indique à son grand prêtre qu'il a retrouvé ses forces, le temps n'existe plus, de même que tous les actes « civilisés », c'est-à-dire principalement ceux ayant trait à la loi et l'ordre. Toutefois, si l'abolition implique que pas un seul acte ne peut être poursuivi, les juges restent sur la brèche car ce sont également des hommes d'armes, et ils doivent assurer la sécurité de la cité, et en particulier des temples et des dieux. Comme dit précédemment, j'ai aussi compris pourquoi l'abolition du temps inquiétait tant les juges, car cela libèrent une violence incroyable parmi la population qui ne voit plus aucun frein lui être imposé : c'est un peu le même principe que les saturnales à Rome, ou le carnaval au moyen âge. Par contre, détail intéressant, cette suspension du temps ne s'appliquent qu'aux citoyens de l'empire néo-babyloniens, et pas aux autres ethnies qui peuvent y vivre : scythes, mèdes, massagètes, juifs... C'est un relativisme culturel logique et assez éloigné de tout fanatisme, ou plutôt de tout prosélytisme, qui m'a bien plu.

    D'ailleurs, à propos des juifs, appelés araméens dans le roman, il y a beaucoup de références à l'ancien testament, que ce soit à travers la destruction du temple et la déportation des juifs, la tour de Babel (que l'on associe généralement à l'etemenanki, une ziggourat dédiée à Marduk), certains prophètes, ou à travers le titre de l'ouvrage. Ça demande quelques connaissances bibliques, mais quand on les possède c'est un jeu très agréable.

    L'enquête de Sarban est bien menée, avec du rythme, et assez nébuleuse pour qu'on ne puisse pas la deviner trop vite, tout en étant limpide à partir du moment où l'on dispose des clés de compréhension. C'est d'ailleurs au niveau de l'enquête que le livre prend une tonalité fantastique (au-delà des croyances qui sont toujours présentées comme réelles) : difficile de trop en dire au risque de gâcher le plaisir de lecture, mais le fantastique naît en bonne partie de la rencontre entre les connaissances de l'époque et les nôtres. C'est à la fois subtil et très naturel.

    Enfin, dernier point qui m'a beaucoup plus, et qui est aussi bien utile dans un cadre si différent de nos repères habituels, c'est le lexique qu'il y a à la fin du roman (sachant qu'en plus, tous les termes du lexique sont en italique dans le texte afin de bien les repérer).

    En définitive, voilà encore un livre que j'ai dévoré et qui m'a beaucoup plu, aussi bien en raison de son cadre original, que de la maîtrise du sujet et de l'enquête elle-même.

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  • Commentaires

    1
    Mercredi 13 Mai 2015 à 14:46

    Je ne sais pas si je possède ces fameuses clés de compréhension ? Néanmoins il m'intéresse pour la richesse qu'il renferme, c'est ce que ton billet traduit vraiment bien ! Merci de me donner envie de tenter cet auteur, une fois encore wink2

    2
    Mercredi 13 Mai 2015 à 16:37

    J'avoue que je suis passionnée d'histoire, donc je ne sais plus très bien ce qui est de la culture générale et ce qui est plus spécifique, et j'aurai du mal à te donner plus d'indications sur ce point ^^'

    En tout cas, je suis ravie que ma chronique te donne envie et j'espère qu'il te plaira quand (si) tu le liras !

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